Retrouvez au format PDF cet article ou juste la déclaration de Bruxelles.


Mozilla se prononce pour la participation du grand public et l’ouverture dans le Partenariat Trans-Pacifique

Le Partenariat Trans-Pacifique (TPP), comme tant d’autres partenariats commerciaux, inclut des aspects complexes de la politique d’Internet, et pourtant la voix de la communauté des utilisateurs d’Internet est exclue des négociations depuis près de dix ans. Il en résulte un déséquilibre au détriment des utilisateurs et de l’intérêt général. Nous avons la conviction que les politiques Internet et les décisions de gouvernance ne peuvent être définies sans transparence et que les procédures du TPP n’y satisfont pas.

L’absence de procédures ouvertes et de discussions publiques est notre principale préoccupation car :

  • Les questions liées à la politique globale d’Internet, y compris le droit d’auteur (copyright) et la liberté d’expression, sont complexes et affectent le cœur de l’ouverture d’Internet, ce qui ne peut être traité isolément ;
  • L’ouverture est au cœur à la fois d’Internet (y compris sa gouvernance) et des missions et valeurs de Mozilla ;
  • Lorsque les décisions concernant la politique d’Internet manquent d’ouverture, l’absence de participation signifie souvent que les intérêts des utilisateurs sont sous-estimés et négligés.

Nous avons vu la même chose arriver par le passé. En janvier 2012, le projet PIPA/SOPA a tenté de créer une politique de la propriété intellectuelle sans participation du public. À la fin de la même année, la Conférence mondiale des télécommunications internationales (WCIT) a essayé de construire des processus de gouvernance d’Internet excluant le public. Dans les deux cas, la pression du public s’est imposée et a écarté ces menaces contre l’ouverture et l’intérêt général. Nous craignons que, lorsque des menaces similaires sont englobées dans des traités commerciaux, elles ne soient pas suffisamment identifiables avant que le mal ne soit fait.

Dans la dernière version de travail du TPP, nous notons que le droit d’auteur perd du terrain : la balance penche vers les entreprises constituées autour de la maximisation de la propriété intellectuelle au détriment des utilisateurs et de l’intérêt du public. Les clauses sont dures quand sont en jeu les droits de quelques institutions de premier plan et d’entreprises au modèle économique traditionnel. Il en est ainsi de l’instauration de cadres pour les brevets logiciels, de l’extension du terme du droit d’auteur (copyright) avec effet rétroactif, et l’établissement de dommages-intérêts planchers pour les violations du droit d’auteur. Cependant, les clauses ajoutées pour renforcer les droits du grand public sont plus légères, notamment celles concernant le domaine public et les limitations et exceptions au droit d’auteur.

Fin janvier 2016, l‘Electronic Frontier Foundation (EFF) a organisé une réunion stratégique pour concevoir une réforme des processus de négociation en matière de commerce (un sommet de deux jours à Bruxelles). Plus de 30 organisations très diverses – dont Mozilla – se sont rassemblées pour discuter collectivement de stratégie et de tactiques sur la façon d’améliorer la transparence dans les processus de négociation des accords commerciaux en cours de discussion et à venir. Cette réunion a abouti à une déclaration [traduite ci-dessous] que Mozilla a signée.

Reconnaissant que la sensibilité de certaines négociations du TPP et d’autres accords commerciaux peut motiver leur confidentialité, nous croyons cependant que ces processus ne conviennent pas pour résoudre les défis des politiques Internet globales. L’avenir des politiques et de la gouvernance de l’Internet doit être déterminé grâce à des processus ouverts et transparents qui permettent à toutes les voix de se faire entendre et à tous les droits d’être équitablement soupesés. Nous sommes impatients de travailler de concert avec les autres parties prenantes pour dessiner ensemble la nécessaire réforme des accords commerciaux comme le TPP.


Une coalition internationale appelle à une réforme des accords commerciaux pour protéger les droits numériques mondiaux

Les négociations secrètes et à huis clos mettent à l’écart d’importantes voix dans les discussions commerciales

San Francisco — L‘Electronic Frontier Foundation (EFF) et une coalition internationale de groupes représentants des utilisateurs d’Internet, des consommateurs et du monde de l’éducation appellent à une réforme de la négociation des accords internationaux sur le commerce afin de protéger les droits sur Internet et les autres droits numériques pour les communautés du monde entier.

La déclaration de Bruxelles sur le commerce et l’internet [voir ci-dessous] a été signée par 20 groupes et individus inquiets des négociations commerciales secrètes et à huis clos, comme celles se déroulant en coulisses de l’accord de partenariat transpacifique (TPP). Le TPP attend actuellement sa ratification par 12 pays, mais a été au stade de l’élaboration pendant 7 ans avant d’être mis à disposition du public. Toutefois, les conseillers de grosses entreprises ont été autorisés à consulter et à commenter les versions préliminaires du texte. Le résultat est que le TPP comprend des règles d’application du droit d’auteur restrictives néfastes pour la liberté d’expression, l’innovation et la vie privée sur Internet et ailleurs.

« Nous avons besoin d’un système de commerce international qui soit juste, durable, démocratique et responsable », déclare Jeremy Malcom, analyste de la politique mondiale de l’EFF. « Mais vous ne pouvez parvenir à ce résultat que grâce à la participation du public. Le secret que nous avons pu observer dans le TPP et les accords similaires exclut des avis importants de la communauté mondiale des droits numériques ainsi que d’autres experts. Ce sont des visions dont nous avons besoin pour nous assurer que nous protégeons les droits de tous de par le monde. »

La déclaration fait six recommandations spécifiques pour les pays participant à des accords commerciaux internationaux, dont la publication régulière des propositions en projet, une large possibilité pour le public de commenter et d’apporter ses retours, et l’implication d’organisations et d’experts représentant les internautes et les consommateurs.

« Les politiques numériques doivent être façonnées par des moyens ouverts et participatifs », déclare Steve Anderson d’OpenMedia. « Si les accords commerciaux affectent la gouvernance d’Internet, ils doivent garantir une participation effective des experts et du public. »

« Les accords commerciaux tels que le Partenariat Trans-Pacifique modèlent des aspects complexes des politiques Internet, mais les internautes n’ont aucune connaissance de ces négociations », déclare Denelle Dixon-Thayer, directrice des affaires juridiques et commerciales de Mozilla. « Chez Mozilla, nous estimons que quand une politique n’est pas élaborée au grand jour, ce sont alors les utilisateurs qui sont perdants. Nous voulons changer cela. »

La déclaration de Bruxelles sur le commerce et l’internet est le résultat d’une réunion qui s’est tenue en Belgique plus tôt cette année sur l’enclenchement d’une réforme des procédures de négociations commerciales. Des spécialistes des quatre continents y ont participé.

Pour la déclaration de Bruxelles sur le commerce et l’internet : ci-dessous

Pour davantage d’informations sur la déclaration et sur son importance (en anglais) : https://www.eff.org/deeplinks/2016/02/global-alliance-condemns-internet-rulemaking-through-closed-trade-agreements

Contact :
Jeremy Malcolm
Senior Global Policy Analyst
jmalcolm@eff.org


Déclaration de Bruxelles sur le commerce et l’internet

Le 22 février 2016,

Nous sommes un groupe expert d’acteurs représentant les internautes, les consommateurs, les entreprises innovantes, les institutions culturelles et les spécialistes. Nous reconnaissons les bénéfices considérables en matière économique et sociale qui peuvent découler d’un système de commerce international juste, durable, démocratique et responsable. Ces objectifs ne peuvent être atteints que grâce à des processus qui garantissent la participation effective du public.

Les accords commerciaux actuels sont négociés au sein de forums clos, opaques et irresponsables, qui sont dépourvus de garanties démocratiques et vulnérables aux influences illégitimes. Ce n’est pas juste une question de principe ; le secret empêche les négociateurs d’avoir accès à tous les points de vue et exclut de nombreuses parties prenantes disposant d’une expertise démontrable qui serait précieuse pour les négociateurs. Ceci est particulièrement remarquable en ce qui concerne les questions affectant l’environnement numérique et connecté, qui ont été de plus en plus intégrées aux accords commerciaux au cours des deux dernières décennies.

Les manques en matière procédurale qui marquent les négociations d’accords commerciaux actuels ont abouti à des instruments qui sont bien trop attachés aux intérêts d’une petite catégorie d’acteurs industriels établis et échouent à répondre aux besoins de communautés plus larges pourtant affectées. Le contraste est saisissant par rapport aux normes plus ouvertes du processus de gouvernance de l’internet, auxquelles les gouvernements qui négocient ces accords commerciaux ont théoriquement souscrit ; si ces normes étaient pleinement appliquées, elles seraient bien mieux adaptées pour intégrer aux politiques commerciales les valeurs de ces communautés comme la liberté d’expression et l’amélioration de l’accès à la culture.

Tout processus d’élaboration d’une réglementation qui affecte l’environnement connecté et numérique devrait adhérer aux droits de l’homme et aux obligations de bonne gouvernance pour activement diffuser l’information, promouvoir la participation du public et assurer l’accès à la justice dans les procédures gouvernementales de prise de décisions. En particulier, les États doivent :

  • respecter, promouvoir et appliquer les articles 19 et 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en assurant une diffusion proactive de l’information, notamment la publication régulière des propositions préliminaires et des textes consolidés, pour permettre aux parties prenantes d’être pleinement informées et de participer de manière significative au processus de négociation ;
  • offrir de nombreuses possibilités d’implication significative et de collaboration avec les représentants de la société civile, y compris par des avis publics, des appels à commentaires et des procédures d’auditions publiques – au moins équivalentes à celles habituellement exigées pour les autres procédures de législation publique – à des étapes appropriées au cours de l’élaboration des positions du gouvernement ;
  • appliquer les principes de la liberté d’information à l’élaboration et à la négociation des positions du gouvernement ;
  • exiger une représentation équilibrée dans tous les corps ou processus de conseil, y compris les corps de mise en œuvre, et exiger qu’ils reflètent tous les intérêts potentiellement affectés, qu’ils opèrent de manière générale dans des forums sous le regard du public et donnant accès aux documents ;
  • prendre des mesures positives pour collaborer avec les organisations et les experts représentant les internautes et les consommateurs ;
  • s’assurer que les accords en résultant soutiennent la réalisation des objectifs de l’agenda 2030 des Nations unies pour le développement durable, et que les procédures qui évaluent leur impact contribuent aux processus d’examen de la mise en œuvre de l’agenda 2030.

Étant donné le souci du public concernant les échanges commerciaux, qui semble croître dans de nombreuses démocraties, tous les États démocratiques devraient moderniser leurs procédures d’élaboration des politiques commerciales en vue de développer la confiance du public. Les idées exprimées ici peuvent fournir une feuille de route et un moyen de tenir ces gouvernements pour responsables.

Approuvé par :

Les organisations :

American Library Association (ALA)
Association of College and Research Libraries
Association of Research Libraries (ARL)
Corporacion Innovarte
Creative Commons
Electronic Frontier Foundation (EFF)
European Digital Rights (EDRi)
Federación Española de Sociedades de Archivística, Biblioteconomía, Documentación y Museística (FESABID)
International Federation of Library Associations and Institutions (IFLA)
Mozilla
OpenMedia
Public Citizen

Les experts individuels :

Alfred de Zayas, expert indépendant sur la promotion d’un ordre international démocratique et équitable
Argyro Karanasiou, Centre for Intellectual Property Policy & Management (CIPPM), Bournemouth University
Cristiane Jacqueline Felinto, Brazilian School of Internet Governance (EGI)
Farzaneh Badiei, Internet Governance Project
Maria Swietlik, Internet Society Poland
Nick Ashton-Hart, Internet & Digital Ecosystem Alliance
Sara Hourani, Centre for Intellectual Property Policy & Management (CIPPM), Bournemouth University
Susan Ariel Aaronson, George Washington University



Traduction et relecture : Mozinet, Marine, Alix, Goofy, Théo et anonymes

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Crédits illustrations : Wikipédia, domaine public.