Le vote massif de l’Assemblée nationale la semaine dernière en faveur du Projet de loi relatif au Renseignement, qui prévoit de restructurer le cadre légal des activités du Renseignement français, inquiète profondément Mozilla.
Tel qu’il est écrit actuellement, le projet de loi menace l’intégrité de l’infrastructure d’Internet, la vie privée des utilisateurs et la sécurité des données. Plus particulièrement, le projet de loi actuel autorise les services de renseignement français à :
- opérer une surveillance et un stockage généralisés des communications, métadonnées et activités web de tous les utilisateurs en France et à l’étranger ;
- obliger les fournisseurs d’accès à Internet (et potentiellement d’autres acteurs du numérique) à installer des « boîtes noires » sur leurs réseaux afin de recueillir des quantités énormes de données et d’utiliser des algorithmes pour y chercher des « comportements suspects » ;
- intercepter les communications, y compris en lisant les courriels et en mettant les téléphones sur écoute, sans procédure judiciaire sérieuse ni réelle supervision ;
- mettre en danger l’infrastructure d’Internet en France et au-delà de ses frontières.
Nous avons déjà exprimé les inquiétudes que cette loi nous inspire, comme l’ont fait un nombre et une diversité considérables d’acteurs : internautes, société civile, entreprises, syndicats d’avocats et de magistrats, l’association française des victimes du terrorisme, le Conseil National du Numérique ainsi que des autorités administratives françaises telles que la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) et la CNCDH (Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme). Les législateurs semblent avoir accordé peu d’attention à cette myriade de voix et, malheureusement, toutes les dispositions sur lesquelles nous avons alerté dans notre précédent communiqué ont été votées dans le projet de loi adopté par l’Assemblée nationale.
Il y a une profonde discordance entre les discussions ouvertes et constructives qui ont été menées sur la scène internationale et la trajectoire suivie par la France, ainsi que son indifférence vis-à-vis des inquiétudes exprimées sur ce sujet. À titre d’exemple, le gouvernement français était absent de la conférence annuelle de la « Coalition pour la Liberté en ligne » (Freedom Online Coalition) tenue la semaine dernière en Mongolie. La France est pourtant l’un des membres fondateurs de ce groupe de 26 gouvernements engagés pour la liberté sur Internet.
Le projet de loi renseignement est aujourd’hui soumis à l’examen du Sénat. Nous exhortons les sénateurs à défendre les engagements internationaux de la France, à répondre de manière significative aux inquiétudes qui ont été soulevées par de nombreuses parties prenantes, et à modifier le projet de loi en conséquence. Tous les acteurs concernés peuvent et doivent continuer à s’exprimer contre ce projet de loi, par exemple via la campagne Sous Surveillance menée par la Quadrature du Net et d’autres groupes de la société civile.
Enfin, nous appelons la France, en tant que leader international dans la défense des droits de l’homme dans le monde, à être un exemple pour les autres gouvernements, plutôt que de poursuivre sur une voie qui érode les protections des utilisateurs et qui met en danger l’ouverture d’Internet.